S’il était encore vivant, le belge Gérard Blitz (1912-1990), promoteur du yoga en Europe, nous offrirait une parole de sagesse : « Ce ne sont pas les vacances qui comptent, c’est La Vacance de l’esprit, l’état de liberté intérieure. » Il préférait pêcher le poisson, contempler la beauté du ciel, méditer plutôt que voyager de pays en pays. Cette grande figure de la vie spirituelle créa le Congrès Européen de Yoga à Zinal (Suisse), en 1973. Bien avant l’engouement que l’on connaît aujourd’hui pour la pratique du yoga. Bruno Solt écrivit un livre d’entretiens avec Gérard Blitz intitulé La Vacance, paru chez Dervy, en 1990.
Tutoyer l’état de vide, de vacuité
Alors me direz-vous faut-il enlever un s à vacances pour se consoler de l’absence de vacances ? Comme par un tour de magie ? Non bien-sûr. Ce serait trop simple. Mais il y a une piste à explorer du côté de La Vacance, ce voyage différent de tous ceux déjà vécus. La Vacance, c’est tutoyer l’état de vide, de vacuité.
Qu’est-ce que je fais si je ne fais rien ? N’y-a-t-il pas un tour-opérateur auquel je puisse m’adresser pour partir en Vacance ? Il ne s’agit pas là de surfer sur les pratiques venues du nord : le Niksen adopté aux Pays-Bas, le Hygge pratiqué par les Danois ou le Lagom, le bonheur à la suédoise. Chercher à apprendre une nouvelle technique n’est pas la bonne attitude.
Contempler plutôt que méditer
On ose ne rien faire. Pas même du yoga ou de la méditation. Simplement s’asseoir, s’allonger, se poser, s’apaiser. Faire une pause, de 15 minutes, une heure, plus. Tranquillos. Faut laisser aller les bras, les jambes … et la tête aussi. Buller, rêver, s’étirer, bâiller, c’est bon pour le cerveau. C’est compliqué ? Le chat, grand maître du farniente, a tout compris. Copions le chat ! Je ne fais rien donc je suis. Ne rien faire est l’une des nourritures essentielles de la bio life.
Tous les jours, les médias nous parlent des bienfaits de la méditation, mais il semble que l’on ait oublié la contemplation. Pourtant, la contemplation est propice à la pleine conscience, au bonheur d’observer mille et une petites choses. Contempler la beauté du ciel, observer une raie de lumière à travers les volets, écouter le gazouillement des oiseaux… Nul n’est poète s’il n’a jamais pris le temps de contempler.
Un voyage de l’extérieur à l’intérieur de soi
Chercher à ne rien faire serait-il réservé aux mystiques, aux chercheurs de spiritualité, aux paresseux ? « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre », écrivait Blaise Pascal. Selon le philosophe, le divertissement détourne l’homme des problèmes essentiels qui devraient le préoccuper. Il satisfait sans cesse des désirs pour mieux s’oublier.
Ne rien faire est donc une activité éminemment sérieuse. Il s’agit en quelque sorte de faire un voyage de l’extérieur à l’intérieur de soi. « Pendant ces moments, on peut se retrouver face à des parties de soi-même que l’on a toujours cherché à fuir. Si nous réussissons à les accueillir, à y mettre du sens et à les transformer, cela peut être une libération », souligne la psychothérapeute et conseillère conjugale Romana Giachino.
L’après-coronavirus sera une période de décryptage fort intéressante. On nous livrera la courbe des décès, des suicides, des divorces, mais aussi des testaments, des mariages, des naissances. Cette grande crise sanitaire mondiale se double d’une crise existentielle individuelle et collective dont on n’a pas fini d’entendre parler. Puissions-nous en sortir vivant et en tirer le meilleur de nous-même.