« Enlacez l’arbre avec vos bras, une joue en contact avec le tronc, et laissez-vous imprégner par cette présence silencieuse. Ce n’est plus vous qui serrez l’arbre contre votre torse, c’est l’arbre qui vous enlace », distille d’une voix douce un sylvothérapeute lors d’une séance de Tree hugging dans la forêt de Fontainebleau par une journée ensoleillée de printemps. Vu de l’extérieur, le câlin à l’arbre peut surprendre. Mais les participants disent trouver « une grande détente » et parlent d’un « moment de grâce ». Mais pourquoi un tel engouement pour les arbres ? Tout est parti d’un phénomène éditorial inhabituel. Le livre La vie secrète des arbres est un succès planétaire, traduit en 32 langues, vendu à plus d’un million d’exemplaires dans le monde dont la superbe version illustrée. Son auteur, l’Allemand Peter Wholleben, est devenu en quelques mois un garde forestier plus célèbre que l’amant de Lady Chatterley.
L’intelligence des arbres
L’ingénieur forestier s’appuie sur des études scientifiques pour comparer la forêt à une communauté humaine. On y observe des couples amoureux, des enfants protégés, des amis complémentaires. Les arbres s’aiment, souffrent, s’entraident via un Internet filamenteux baptisé le Wood Wide Web par Peter Wholleben. Ainsi lorsqu’un animal commence à manger des feuilles, l’arbre attaqué diffuse un signal via l’immense réseau souterrain de racines et de champignons. Aussitôt, les arbres voisins fabriquent des anti corps, un tanin amer qui rend leurs feuilles non comestibles.
La forêt s’apparente à un monde « communiste » idéal où le bien-être de chacun dépend d’une communauté organisée et solidaire. Dans la foulée, le documentaire L’intelligence des arbres, réalisé par Julia Dordel et Guido Tölke, chez Jupiter Films, a fait salle comble et a suscité le débat partout en France. Après avoir découvert les secrets de ces géants terrestres, par bien des aspects plus résistants et inventifs que les humains, il n’est plus possible de faire une balade en forêt d’une manière routinière.
Qu’est-ce que la sylvothérapie ?
Si nous sommes fascinés par la vie insoupçonnée des arbres, nous nous demandons, en fait, ce qu’ils peuvent aussi nous apporter. La sylvothérapie, sorte de médecine alternative verte, serait l’une des réponses. Du latin silva (bois, forêt), la sylvothérapie consiste à faire des exercices en relation avec les arbres pour y trouver bien-être, détente, prévention de maladies, voire guérison. Au Japon, bouddhistes, shintoïstes, animistes, tous considèrent l’arbre doté d’incroyables pouvoirs. Voilà quatorze ans, à partir de 2004, que le Pr Qing Li, biologiste japonais, professeur associé à la Nippon Medical School à Tokyo, a démontré l’impact positif du Shinrin-Yoku (« bain de forêt ») sur notre métabolisme. On a constaté une baisse de l’anxiété, de la colère, des états dépressifs, du burn-out, du diabète, de l’obésité. Il a également été prouvé que les bains de forêt accroissaient l’activité des lymphocytes NK (Natural Killers), ces célèbres globules blancs capables de tuer les cellules cancéreuses. N’en jetez plus ! Tout cela gratuitement, sans effet secondaire, en faisant une balade en forêt ? La forêt contient des substances volatiles comme les phytocides et les terpènes qui ont un effet bénéfique sur la santé. Une immersion d’une journée dans la forêt a un impact sur notre bien-être pendant une semaine. Un séjour de trois jours et deux nuits produit ses effets pendant un mois.
Bains ou douches de forêt
Très pris au sérieux, les travaux du Pr Li ont donné naissance à 70 centres de Shinrin-Yoku où l’on peut se promener accompagnés de guides spécialisés, soit pour une escapade de quelques heures, soit pour une cure de plusieurs jours en fonction de la pathologie. En France, il n’existe pas encore de parcs forestiers de santé à proprement parler. Mais 75 % de la population française est à moins d’une demi-heure d’une forêt. A défaut d’un bain, une simple douche de forêt favorise la bonne humeur, une sensation de détente et de clarté mentale. Les arbres sont nos discrets et spirituels compagnons auxquels nous ne portons pas toujours l’attention qu’ils méritent. Amos Clifford, un expert renommé de la thérapie forestière aux Etats-Unis, confie : « Il n’est pas rare de faire l’expérience de l’unité pendant laquelle notre sentiment d’individualité se dissout, nous ne nous sentons plus séparés du monde ». L’été tambourinant à la porte, des professeurs de yoga tentent d’organiser leurs cours « hors les murs » sur un tapis de verdure. Faire ses salutations au soleil devant un chêne tri centenaire crée un profond sentiment de plénitude. Adieu le studio de yoga ! La sylvothérapie ne nous montre -t-elle pas la voie du yoga au vert ? Vive le Green Yoga, le contact avec la nature nous rapproche de notre nature profonde.
Neuf recommandations pour vivre un bain de forêt avec la sagesse d’un yogi
Considérez la forêt comme un partenaire plutôt que comme le cadre de vos activités bucoliques. Saluez la forêt – Namasté – à votre arrivée et à votre départ comme si vous entriez dans une cathédrale.
- Vous plongez dans un bain de forêt. Ne parcourez pas de grande distance – 500 mètres suffisent -, il ne s’agit pas d’une randonnée pédestre.
- Privilégiez le silence et l’écoute de la nature aux bavardages entre participants, aux ruminations de votre mental.
- Avancez de manière majestueuse, grandissez-vous et concentrez-vous sur votre respiration. Inspirez sur cinq pas, expirez sur cinq pas.
- Portez votre attention sur vos cinq sens, vos ressentis. Ne cherchez pas à être dans la connaissance, à vouloir mettre des noms sur les arbres.
- Allez vers l’arbre qui vous attire, saluez-le et demandez-lui s’il est prêt à vous accueillir. S’il refuse, allez tranquillement vers un autre partenaire. Il s’agit d’un échange sensible entre vous et un être de chlorophylle.
- Abandonnez-vous à un état méditatif. Prenez conscience de votre « petite maison », votre corps, dans cette grande maison, « le cosmos ».
- Avant de le quitter, faites un cadeau végétal à l’arbre que vous avez choisi. Des feuilles, une plume, un morceau de branche, quelques cailloux…
- Partagez votre expérience, mais ne vous laissez pas influencer par celle des autres. Vous êtes unique !
Une récréation sylvique
« Vous avancez les yeux fermés en vous tenant les épaules. Ecoutez le silence, sentez les parfums de la nature, soyez attentifs à vos sensations. Vous marchez en confiance et ressentez une douce sérénité. » Version colin-maillard, chacun doit retrouver l’arbre vers lequel il a été conduit. Et miracle, cela marche ! Sarah a reconnu le marronnier qu’elle a serré fort dans ses bras quelques instants plus tôt. Elle baille de bonheur. « Le système parasympathique s’est mis en marche, le stress descend. Vous avez reçu une douche de terpènes qui renforce votre système immunitaire », explique la sylvothérapeute.
Lâchez votre fardeau
« Faites circuler l’énergie de votre cœur, vers vos bras, vos mains, votre tronc, vos pieds et transmettez-la à l’arbre de ses racines jusqu’à sa cime, guide la sylvothérapeute. Il ne s’agit pas de prendre l’énergie de l’arbre, mais de procéder à un échange d’énergies, la vôtre et la sienne. » Retour en silence par une allée bordée de tilleuls. Le groupe forme un cercle, face aux arbres. Chacun retrouve le caillou choisi au départ qui représente son fardeau dans la vie. « Remerciez-vous pour cette séance, remerciez les arbres de vous avoir accueilli. Ramassez votre caillou et déposez-le là où vous voulez. Lâchez votre fardeau ! », conclut la maîtresse de cérémonie. Une pluie d’heureuses réactions ponctue cette récréation sylvique inédite. Joahnnes « C’est une belle découverte, facile à pratiquer. La nature nous aide à nous débarrasser de notre ego, à renouer avec notre nature profonde ». Geneviève : « Je me suis sentie soutenue comme si l’arbre voulait m’apporter du courage ». Enrica : « J’ai eu la sensation d’embrasser un être humain plutôt qu’un arbre ».